- Monsieur ! S'il vous plait, Monsieur !
- Oui, Monsieur l'agent ?
- Excusez-moi de vous déranger, Monsieur, mais je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer... Avez-vous conscience, Monsieur, que, quand vous marchez, ça fait une grosse musique dramatique ?
- Pardon ?
- Je vous assure, Monsieur. Vous marchiez d'un pas décidé, là, dans cette rue, et il y avait en même temps une grande musique, avec surtout des instruments à cordes, vous voyez ? "Gniiii gnii gni gni gni", vous voyez le genre.
- Vous croyez ? Je n'ai pas remarqué.
- Ah si, si, Monsieur, c'est le genre de choses difficile à ignorer. D'ailleurs, si vous voulez bien avancer un peu, vous verrez.
- Mais enfin, M. l'agent, c'est ridicule !
- J'insiste, Monsieur.
- Bon, bon, d'accord, j'avance, voilà, j'avance, vous voyez ? Pas du tout dramatique comme musique ce que l'on entend.
- C'est que vous ne marchez pas comme avant, Monsieur. Vous étiez plus décidé, plus vif, du genre à savoir où vous alliez. Là, évidemment, vous êtes hésitant, mal à l'aise, alors tout de suite, c'est de la musique plus comique.
- Je marche toujours avec cette musique, je vous assure.
- Non, non. J'ai bien entendu avant. C'était très dramatique. Tendu, même.
- C'était peut-être quelqu'un d'autres, vous savez.
- Vous étiez seul dans la rue, Monsieur.
- Bon, admettons, et après ? Il n'est pas interdit de marcher dans la rue avec une musique dramatique que je sache !
- En effet, Monsieur, ce n'est pas illégal. Mais par contre, cette musique me laisse à penser que vous pourriez très bientôt enfreindre la loi.
- Quoi ? Mais c'est n'importe quoi !
- Et puisqu'il est possible que vous livriez bientôt à un acte répréhensible, cela justifie un contrôle. C'est dans les textes, Monsieur, je suis désolé.
- Mais c'est de la discrimination ! Est-ce que parce que je suis le protagoniste d'un thriller, ça justifie que je me fasse arrêter ?
- Et bien, littéralement, oui, Monsieur.
- Mais d'abord, peut-être qu'il n'y avait cette musique que parce que vous alliez m'arrêter, vous y avez pensé à ça ?
- Ah, Monsieur, faites attention à ce que vous dites là...
- Évidemment qu'il y a une musique dramatique si un gros bras avec une arme va m'arrêter ! Le public a besoin d'être prévenu ! C'est de votre faute !
- Allez, c'est bon, vous l'aurez voulu, vous allez me suivre au poste.
- Ah non ! Mais... Ne me touchez pas ! Je n'ai rien fait ! Vous n'avez pas le droit !
- Outrage à agent, accusations iniques envers l'institution policière, ça va chercher loin tout ça, mon gaillard !
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