lundi 28 février 2022

Une histoire de directrice de Poudlard (3)

 

 Et si Mémé Ciredutemps avait été la directrice de Poudlard...

Mémé Ciredutemps et le prisonnier d'Azkaban

- Ton sale chat a mangé Croûtard !

- Pas du tout ! Pattenrond n'y est pour rien ! 

- Dites, les enfants, vous auriez pas vu Gredin ? 

- Gredin ? 

- Le chat de Nounou. Je veux dire de la Professeure Ogg. Je sais pas pourquoi cette vieille bique tient tellement à être "professeure", non mais franchement. 

- Elle a un chat ? 

- Si vous pouvez appeler ça un chat, ouais. Moi, j’appellerais plutôt ça une machine à tuer et à violer enroulé dans une vieille carpette. Ah ben, le voilà. Tiens, qu'est-ce qu'il a dans la bouche ? On dirait un ver de terre. Ah non, c'est une queue de rat. 

- Alors, Ron, tu vas lui demander des excuses à lui ? 

- Ça va pas non ? Tu as vu comment il me regarde ?

Une histoire de directrice de Poudlard (2)

 

 Et si Mémé Ciredutemps avait été la directrice de Poudlard...

Mémé Ciredutemps et la chambre des secrets

- Professeur Ciredutemps ? 

- Maîtresse Ciredutemps.

- Euh... oui, Maîtresse Ciredutemps, est-ce que vous pourriez nous parler de... la chambre des secrets ? 

- Quoi, cette grosse pièce sous les toilettes des filles ? 

- Hein ? Vous savez où elle se trouve ? 

- Bien sûr. Dès que je suis arrivée, j'ai fait un petit coup d'Emprunt histoire de repérer les lieux, et devinez sur quoi je suis tombée ? Une saloperie de serpent géant coincé dans la tuyauterie. J'en ai fissa pris le contrôle et du coup, je l'ai envoyé faire un petit tour dans une forêt isolé où il pourra faire de mal à personne. 

- Mais...

- Bon Miss Granger, je peux continuer mon cours, oui ou non ? Vous êtes là pour apprendre à vous défendre contre les forces du mal. Et ben, je vais vous dire, pour ça, faut pas compter sur un bout de bois magique...

*Jette une baguette magique par dessus son épaule*

- Non, comptez plutôt sur un bon vieux couteau à pain. Sortez jamais sans.

 


dimanche 27 février 2022

Une histoire d'apocalypse personnelle

 - BONJOUR. 

- Aaaah ! Mais qui êtes-vous ? 

- NOUS SOMMES LES QUATRE CAVALIERS DE L'APOCALYPSE. 

- ...

- ON PEUT RENTRER ? 

- Ouais, il fait un peu frisquet là, ça serait bien que vous nous laissiez entrer. 

- Mais... euh... c'est l'Apocalypse, là ? 

- LA VOTRE, OUI. 

- Pardon ? 

- Bon, laissez-moi faire les gars, je vais lui expliquer, au gus. Ecoute, mon pote, tu vois, le truc avec l'Apocalypse, la vraie je veux dire, celle qu'a une majuscule, bah, c'est qu'il y en a qu'une seule. 

- Euh... oui, c'est le principe, non ? 

- Ouais, bien vu, t'es un bon toi. Et du coup, tu peux comprendre que c'est pas super rentable comme activité. 

- ON S'ENNUYAIT UN PEU. 

- L'attente, c'est long. 

- Et puis, on est pas sûr à 100% d'être payés à la fin.

- OUAIS, AUSSI. 

- ... D'accord... et donc ? 

- ET DONC ON A DÉCIDÉ DE SE DIVERSIFIER UN PEU. 

- Et là, paf, l'idée géniale, et si on personnalisait un peu le service, tu vois ? 

- DU VRAI ARTISANAT. 

- Voilà, du sur mesure. 

- Flux tendu, agilité et tout le bazar. 

- Gros succès de notre crowdfunding, t'as pas idée. 

- ...ça n'explique pas vraiment ce que vous faites devant ma porte...

- JE VOUS L'AI DIT, ON EST LES CAVALIERS DE L'APOCALYPSE. 

- De votre apocalypse.  

- Votre apocalypse personnelle. 

- Moi, c'est Lundi Matin. 

- Moi, Dépression. 

- J'm'appelle Capitalisme. 

- Capitali...? 

- Ouais, on va avoir une petite discussion à propos de ton boulot.

- ET MOI, MOI, JE SUIS DIVORCE.


lundi 21 février 2022

Une histoire de directrice de Poudlard (1)

 Et si Mémé Ciredutemps avait été la directrice de Poudlard...

Mémé Ciredutemps et la pierre philosophale

- Excusez-moi, Madame la Directrice...

- Quoi encore Quirrel ? Vous croyez que j'ai le temps de régler tous vos problèmes ? Vous voyez pas que je suis occupé à fermer Serpentard ? Sérieusement, qui a eu l'idée de mettre tous les élèves disposées aux forces du mal dans la même maison ? 

- Je voulais juste savoir... la pierre philosophale...

- Ah, vous commencez à m'embêter avec ça. J'ai des trucs plus importants à faire que de ranger des bijoux. 

- Mais du coup, vous pourriez peut-être me la confier pour que je la dissimule...

- Pas la peine, je l'ai confié à Nounou. 

- A Nounou...

- Ouais, elle l'a caché quelque part dans son corsage. Si vous et l'espèce de tête bizarre que vous cachez sous votre turban vous la voulez, vous savez ce qu'il vous reste à faire. 

- ...

- Par ailleurs, vous êtes viré, Quirrel. Je sais pas pourquoi mon prédécesseur a cru bon d'embaucher un professeur de défense contre les forces du mal qui a peur d'un bête vampire. Je vais m'en occuper moi-même de la défense contre les forces du mal.

vendredi 18 février 2022

Une histoire de robot géant

 - Rey, je sais que c'est dur et que ça fait beaucoup pour toi, surtout que tu es si jeune, mais nous n'avons pas le choix. Tu es la seule ici qui puisse contrôler ce Mecha.

- Moi ? Mais... je...

- Toutes les autres sont blessées. Il ne reste que toi pour  sauver l'humanité. Rey, nous avons besoin de toi. J'ai besoin de toi. 

- Je... Bon. D'accord. Je... je vais le faire. 

- Très bien ! Installez-la dans le poste de pilotage ! Initiez la séquence de démarrage ! Ce n'est pas un exercice ! 

- Ça y est, je suis dans le cockpit. Oh mon dieu... tous ces écrans... toutes ces...

- Ne t'inquiètes pas, Rey. Le casque te suffit. Tu vas contrôler le Mecha par la pensée. Ecoute-moi bien, ta mission est de...

- Attendez, c'est quoi sur cet écran, là ? Il me demande de valider les... les CGU ? 

- Ce n'est pas important, Rey, concentre-toi. Ta cible...

- Ah non, moi, je valide pas sans lire d'abord. 

- Rey ! L'humanité... !

- Alors, blablabla, dispositions générales... services fournis... blablabla... Ah ! "Politique de confidentialité", voyons ça...

- Ce n'est vraiment pas le moment de...

- Attendez, c'est quoi ce bordel ? Pourquoi vous avez besoin que je vous cède les droits sur toutes mes données personnelles ? 

- C'est pour nos archives, Rey, pour pouvoir étudier les combats après...

- Et mon droit à l'image ? Oh putain, vous voulez même avoir la propriété de mes images mentales ? 

- Un intérêt purement scientifique, Rey. Il y a plus urgent, la cible a commencé à...

- "Y compris usages à fins commerciales et artistiques" ? Non mais de quoi ça parle ce truc ? 

- Bon, Rey, écoute, tu sais combien c'est difficile de financer un projet comme celui-ci ? Tu crois qu'on y arriverait sans vendre les données personnelles de nos pilotes ? 

- Attendez... Vous pouvez faire quoi avec mon image ? Vous pouvez même diffuser... Comment ça des caméras ? Quelles caméras ? 

- Ah... euh... oui, alors à ce propos...

- C'est pour ça que tous vos pilotes sont des jeunes filles, hein ? Allez, c'est bon, j'me casse. 

- Rey ! Non ! 

- Démerde-toi tout seul avec le Golgothoïde, boomer. J'espère qu'il te réduira en charpie, toi et ton patriarcat.

mercredi 16 février 2022

Une histoire d'aliens conquérants

 - Bien, vous, Kal Gray, vous êtes chargés de vous occuper de la Terre. 

- Bien, mon général ! 

- Vous avez tous vos planètes, alors rompez ! 

- Mon général ? 

- Oui, Kal ? 

- Je voudrais juste revoir avec vous... Enfin, j'ai bien compris que je dois conquérir la Terre, mais à propos de la stratégie...

- Soldat, c'est très simple ! Vous disposez, comme nous tous, de pouvoirs dont les humains sont complètement privés ! Vous pouvez voler, vous avez une puissance physique qui n'a pas d'égal dans l'univers, et je crois que vous avez d'excellents résultats en tir de lasers avec les yeux, n'est-ce pas ? 

- Je ne m'en sors pas trop mal, oui. 

- Alors, vous appliquez notre stratégie habituelle : vous vous installez sur la planète, vous devenez son héros et quand vous avez éliminé discrètement toutes les menaces potentielles, vous en prenez le contrôle et on rapplique pour réduire tout le monde en esclavage. On a toujours fait comme ça, quel est le problème ?

- Rien, rien, mon général, c'est juste que... Enfin, vous pourriez me redire pourquoi c'est important de conquérir la Terre ? 

- Mais enfin, Kal, vous n'avez pas suivi le briefing ou quoi ? Les humains sont génétiquement identiques à nous à hauteur de 99% ! Notre but est de pouvoir nous reproduire avec eux et ainsi augmenter nos rangs de guerriers invincibles et poursuivre notre entreprise de soumission de l'univers ! 

- Ah. Alors justement, c'est là que j'ai une question, mon général. 

- Quel est votre problème, Kal ? 

- Pourquoi il faut que je les réduise en esclavage pour ça ? 

- Pourquoi il... Mais enfin, Kal, vous voudriez faire comment ? 

- Ben, avec une application de dating. 

- Pardon ? 

- Une application de dating, de rencontres amoureuses quoi, ou au moins sexuelles. Un truc qu'on leur fait télécharger sur leurs smartphones. "Rencontrez des extraterrestres chauds près de chez vous", vous voyez le genre ?

- ...

- Non, parce que j'ai un peu ouvert le dossier sur les humains, et je suis sûr genre à 100% que vous avez pas besoin de les réduire en esclavage pour qu'ils acceptent de s'accoupler avec des aliens, surtout si ceux-ci sont quasiment identiques  à eux et passent le plus clair de leur temps à s'entrainer pour être physiquement au top. 

- Mais...

- En fait, d'après les données dont on dispose, je pense que même si on était une race d'insectes géants, on arriverait à trouver des humains pour s'accoupler avec nous. Sérieusement, mon général, vous devriez regarder leur réseau de communication planétaire, il y a des trucs incroyables dessus. Vous êtes sûr qu'ils ont jamais eu de contacts avec d'autres races galactiques ? Parce qu'ils semblent y avoir quand même beaucoup réfléchi.

samedi 12 février 2022

Une histoire d'uniformes

 - Mon général ? 

- Oui, soldat ?

- Je me demandais comme ça, enfin, on en a discuté avec les gars, et... enfin, est-ce qu'il serait possible d'avoir des uniformes ? 

- Négatif, soldat. 

- C'est que... Vous comprenez, on est censé être une unité antiterroristes d'élite, et là, on ressemble plus aux Village People qu'à autre chose. 

- Et ça vous pose un problème, soldat ? 

- Ben, c'est qu'on est pas très discret, on a un gars déguisé en ninja, un autre en marin avec un petit calot à pompon, une espèce de cow-boys...

- C'est comme ça dans l'armée désormais, mon gars ! On respecte la personnalité de chacun ! On vous laisse vous exprimer pour que vous soyez plus efficace en situation de combat ! 

- Mon général, je suis vraiment pas à l'aise avec la tenue que vous m'avez attribué...

- Quoi ? Et qu'est-ce qui te plaît pas, gamin ? 

- Pourquoi elle doit être transparente comme ça ? 

- Écoute, petit, qu'est-ce que tu veux qu'on fasse au juste ? Tu sais comment c'est depuis la privatisation des forces armées ? 

- Mon général, je ne vois pas le rapport...

- Tu crois qu'on se finance comment, gamin ? Je vais te le dire, moi : crowfunding et produits dérivés. Alors, tu vas me faire le plaisir d'être sexy, parce qu'on doit renouveler le parc de blindé et qu'on va pas y arriver si tu t'obstines à faire la gueule.

mercredi 9 février 2022

Une histoire de cavaliers (au moins quatre)

- ON NE DEVAIT ÊTRE QUE QUATRE. 

- Je sais mais...

- TOUT LE MONDE S'ATTEND A CE QU'ON SOIT QUATRE. C'EST ÉCRIT PARTOUT QU'ON DOIT ÊTRE QUATRE. C'EST MÊME DANS NOTRE NOM.  

- Bien sûr, Seigneur, mais... c'est Pestilence qui est revenu et il veut plus partir. 

- Bah, écoutez, c'est simple, il suffit que Pollution reparte, et voilà. Il était même pas dans la formation originelle. 

- Non mais ça va pas ? Je vais pas partir maintenant, je suis en pleine forme ! C'est mon moment. Pourquoi pas Famine ? Famine pourrait partir, c'est quand même le moins pertinent actuellement. 

- NON. FAMINE RESTE. IL A LA BALANCE. TRÈS IMPORTANT LA BALANCE. 

- Bon, il faut qu'on se décide là, ça va commencer. 

- Pestilence était parti, je vois pas pourquoi il est revenu. 

- C'est jusque la péniciline m'avait mis un coup, mais j'ai trouvé mon second souffle. 

- Mais, Seigneur, vous pourriez pas reprendre Pestilence avec vous, comme au début ? 

- NON. TROP CONFUS. 

- Franchement, pourquoi on est pas cinq ? C'est bien cinq. 

- Salut. 

- AH NON. NON. PAS SIX. NON. 

- Tu es qui, toi ? 

- Wokisme. 

- ...

- Et tu fais quoi au juste ? 

- Ah ben, je sais pas trop, mais je détruit tout apparemment. 

- ...

- Ecoutez, on est des personnifications anthromorphique des peurs de l'humanité, je découvre le job moi, c'est pas facile.

mardi 8 février 2022

Une histoire de granit

Dans son Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République, le sociologue André Siegfried avançait comment la géologie pouvait influencer le comportement électoral : le granit, selon son analyse, favorisait un habitant dispersé, rural, et partant de là, la grande propriété foncière et le catholicisme - et donc le vote à droite dans le Nord de la Vendée ; de l'autre côté, le sol calcaire encouragerait un habitat plus concentré, l'urbanité, la petite bourgeoisie, et donc le vote à gauche. 

Pendant longtemps, cette analyse fut considéré comme dépassée par la science politique contemporaine. Jusqu'à l'arrivé des Nains. 

Les Nains préfèrent le granit, dans lequel il peuvent creuser leurs tunnels et établir leurs cités. Favorable au travail contre le capital, défiant les normes de genre, ils firent rapidement basculer tous les territoires granitiques à gauche. 

Puis, les Elfes s'en mêlèrent, entraînant à droite toutes les zones forestières. Et la sociologie géologique devint incontournable.

lundi 7 février 2022

Une histoire de construction sociale

C'était il y a au moins mille ans. Littéralement. Je veux dire, ce n'est pas une façon de parler, c'était vraiment il y a mille ans. A quelques années près. 

Bon, il y a mille ans, il y a eu une guerre. C'est difficile de savoir exactement ce qu'il s'est passé, parce que la légende s'est pas mal mêlée avec les faits et que, au bout de mille ans, les traces archéologiques ne sont pas simples à interpréter. En fait, je crois qu'il y a encore des historiens qui s'écharpent par articles interposés pour savoir si le gouffre de Helm, c'était bien un gouffre, ou juste une gorge, ou juste un nom un peu prétentieux pour une citadelle ou même un simple camp retranché derrière des barricades de bois. Difficile à dire quand tout ce dont vous disposez pour trancher les choses, c'est quelques pierres dans une vallée et un tas de parchemins écrits plusieurs siècles après les évènements. 

Il paraît que les principaux témoins se sont barrés, loin, et ils n'étaient déjà pas super fiables. 

Enfin, bref, le truc, c'est que pendant cette guerre, mes ancêtres ont fait le mauvais choix. Quand je dis mes ancêtres, c'est là que ça commence à devenir tendu. Avec mille de distance entre eux et moi, c'est autant mes ancêtres que ceux de tout un tas de gens qui n'ont pas les mêmes problèmes que moi. Le brassage génétique, c'est quelque chose quand même. On pourrait se dire qu'avec le temps, ça se perd, et en un sens, c'est vrai. La génétique oublie. Ou intègre tout ça, je ne sais pas trop, je n'ai pas vraiment fait d'études. Pour les gens comme moi, les universités sont pas trop ouvertes. Officiellement, oui. Dans les faits, pas trop. 

La génétique oublie, mais les hommes, non. Ils se souviennent de qui était ton père, et le père de ton père, et le père du père de ton père. Pour ce qui est des mères, jusqu'à récemment, ils s'en inquiétaient moins. Enfin, sauf si ça les arrangeait, bien sûr. Parfois, on oublie qui est ton père ou ta mère, et une fois que ça été oublié, ça disparaît. Mais le plus souvent, on se souvient. Au besoin, on le note dans des papiers quelque part, et on se transmet les papiers, comme ça tout le monde sait toujours qui étaient tes ancêtres et qui est tu es, toi.

Mes ancêtres, donc, étaient des orcs. 

C'est le nom qu'on leur a donné à l'époque. Ils étaient dans l'armée qui a perdu, et les autres les ont appelé des orcs. Et ils ont continué à appeler comme ça leurs enfants, et les enfants de leurs enfants - même quand ces enfants avaient un parent humain.

Ce qui fait que, aujourd'hui, je suis un orc. Même si on le croirait pas en me voyant. Du moins, pas du premier coup. Quand les gens le savent, ils disent "ah oui, c'est vrai que tu as un air, je l'ai vu tout de suite". 

C'est le nom qu'ont leur a donné, et c'est le nom qu'on nous donne encore. Officiellement, la guerre est finie, mais mille ans plus tard, j'ai l'impression qu'elle dure encore. 

J'ai entendu un professeur dire une fois que orc, c'était une construction sociale - c'était pendant le semestre où j'étais à l'université, avant que mes collègues ne se rendent compte de qui j'étais et que je ne sois contraint de partir. 

Une construction sociale, oui. C'est solide, une construction sociale. Plus solide que les murs des forteresses en tout cas. Plus durable. Mille ans après, elle est toujours là, elle.

dimanche 6 février 2022

Une histoire de musique dramatique

 - Monsieur ! S'il vous plait, Monsieur ! 

 - Oui, Monsieur l'agent ?  

- Excusez-moi de vous déranger, Monsieur, mais je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer... Avez-vous conscience, Monsieur, que, quand vous marchez, ça fait une grosse musique dramatique ? 

- Pardon ? 

- Je vous assure, Monsieur. Vous marchiez d'un pas décidé, là, dans cette rue, et il y avait en même temps une grande musique, avec surtout des instruments à cordes, vous voyez ? "Gniiii gnii gni gni gni", vous voyez le genre. 

- Vous croyez ? Je n'ai pas remarqué. 

- Ah si, si, Monsieur, c'est le genre de choses difficile à ignorer. D'ailleurs, si vous voulez bien avancer un peu, vous verrez. 

- Mais enfin, M. l'agent, c'est ridicule !

- J'insiste, Monsieur. 

- Bon, bon, d'accord, j'avance, voilà, j'avance, vous voyez ? Pas du tout dramatique comme musique ce que l'on entend. 

- C'est que vous ne marchez pas comme avant, Monsieur. Vous étiez plus décidé, plus vif, du genre à savoir où vous alliez. Là, évidemment, vous êtes hésitant, mal à l'aise, alors tout de suite, c'est de la musique plus comique. 

- Je marche toujours avec cette musique, je vous assure. 

- Non, non. J'ai bien entendu avant. C'était très dramatique. Tendu, même. 

- C'était peut-être quelqu'un d'autres, vous savez. 

- Vous étiez seul dans la rue, Monsieur. 

- Bon, admettons, et après ? Il n'est pas interdit de marcher dans la rue avec une musique dramatique que je sache ! 

- En effet, Monsieur, ce n'est pas illégal. Mais par contre, cette musique me laisse à penser que vous pourriez très bientôt enfreindre la loi. 

- Quoi ? Mais c'est n'importe quoi ! 

- Et puisqu'il est possible que vous livriez bientôt à un acte répréhensible, cela justifie un contrôle. C'est dans les textes, Monsieur, je suis désolé. 

- Mais c'est de la discrimination ! Est-ce que parce que je suis le protagoniste d'un thriller, ça justifie que je me fasse arrêter ? 

- Et bien, littéralement, oui, Monsieur. 

- Mais d'abord, peut-être qu'il n'y avait cette musique que parce que vous alliez m'arrêter, vous y avez pensé à ça ? 

- Ah, Monsieur, faites attention à ce que vous dites là... 

- Évidemment qu'il y a une musique dramatique si un gros bras avec une arme va m'arrêter ! Le public a besoin d'être prévenu ! C'est de votre faute ! 

- Allez, c'est bon, vous l'aurez voulu, vous allez me suivre au poste. 

- Ah non ! Mais... Ne me touchez pas ! Je n'ai rien fait ! Vous n'avez pas le droit ! 

- Outrage à agent, accusations iniques envers l'institution policière, ça va chercher loin tout ça, mon gaillard !


vendredi 4 février 2022

Une histoire de prophétie (3)

 - ...et donc il reste la question du délai de communicabilité

- Mais... on avait déjà réglé ça à la dernière réunion, non ? On avait dit cinquante ans. Cinquante ans, c'est bien non ? Ça laisse le temps à tout le monde d'encaisser la prophétie, histoire qu'il y ait pas de problème de récurrence. 

- Alors, oui, mais là, voyez, il y a deux questions qui se posent. 

- Pourquoi il y a toujours deux questions ? Pourquoi il y en a jamais une seule ? Ou mieux, pas de question ? 

- Hum, bref. D'abord, cinquante ans, c'est à partir de quand ? 

- Comment ça ? 

- Le point de référence, c'est quoi ? Le moment de formulation de la prophétie ou de sa réalisation ? 

- Attendez, attendez, je vous rappelle que le comité spécial qui doit trancher pour savoir si une prophétie a besoin de se réaliser pour être reconnue comme prophétie doit se tenir la semaine prochaine. 

- Ça peut pas être une prophétie si au final, elle est f...

- Mais comment tu peux savoir qu'elle va être fausse avant de l'avoir archivé ?

- Tatata, gardez cette énergie pour la semaine prochaine. Je mets quoi, moi, pour l'instant ?

- Tu mets que c'est en attente, comme d'habitude. 

- Mouais. Ça va encore faire des histoires ça. Bref. L'autre question, c'est qu'est-ce qu'on fait pour les concernés. 

- Les... 

- Les gens dont parle la prophétie. J'ai là une... Morgane, il semble qu'elle bosse pour nous, c'est quoi, son boulot ? 

- Conservatrice de premier grade. Elle est à la collecte. 

- Punaise, le boulot de merde. Bref, elle voudrait consulter un ensemble de prophétie émises sur les deux dernières années, elle dit qu'elle est concernée. 

- Elle est majeure ? 

- Elle travaille pour nous, imbécile. 

- Bon, bon. Si elle est majeure, oui, elle peut consulter les prophéties qui la concerne, bien sûr, évidemment. On est pas des monstres non plus. 

- D'accord, ben, je vais lui répondre ça alors. 

- Si, bien sûr, elle parvient à prouver que la prophétie parle d'elle. 

- Ah. 

- Ah, ben oui, sinon, n'importe qui pourrait venir fourrer son nez n'importe où. 

- Et comment elle fait pour prouver ça ? 

- Comment ça ? 

- Ben, si elle connaît pas les prophéties, comment elle fait pour prouver que ça la concerne. 

- Ah, ça, c'est mon chef-d'oeuvre adiministratif. Je crois qu'on fera jamais mieux.

jeudi 3 février 2022

Une histoire de prophétie (2)

 - Alors, votre numéro de dossier, c'était le... Ah, le voilà. Ah, très bien, oui, je vois. Est-ce que vous pourriez juste me confirmer. Votre fille, elle est est née le 20 juin ou le 21 juin ? 

- Le 21 juin. Enfin, ça s'est joué à quelques minutes vous savez, mais la sage-femme a mis minuit et 2 minutes sur les papiers. 

- Parfait, parfait. Alors, j'ai une bonne nouvelle, votre fille est bien une enfant de la prophétie. 

- De la prophétie ? Quelle prophétie ? 

- Oh, c'est juste le terme générique que nous utilisons. Je veux dire qu'il y a une prophétie sur elle. Voyez, là, une fille... dont le prénom comme par E, c'est bien ça ? 

- Oui, on a choisit Elsa, comme...

- Parfait, vraiment parfait. Et elle est née le jour du solstice, non, pas de doute, c'est bien ça. Félicitations, monsieur. Vous avez beaucoup de chance. 

- Mais...

- Je suis sûr que vous avez plein de questions, mais j'ai ici une plaquette où vous trouverez toutes les...

- Mais la prophétie, enfin, cette prophétie, c'est quoi au juste ? 

- Ah ça...

- Quoi ? 

- Et bien, vous voyez, c'est un dossier rouge. Ça veut dire que votre fille est ce que l'on appelle une "protagoniste". Alors je ne peux pas vous révéler la prophétie. 

- Hein ? 

- Voyez-vous, si l'enfant ou l'un de ses proches connait la prophétie, ça pourrait compromettre sa réalisation. Elle sera surveillée de près par nos services pour s'assurer que tout se passe bien, ne vous inquiétez pas.

- Mais bien sûr que je m'inquiète ! Je...

- Si vous voulez, il y a l'adresse et les horaires du groupe de paroles pour les parents dans la plaquette. Et aussi, tenez, comme je vois que ça vous fait un choc, je vous donne toute de suite la carte. 

- Qu'est-ce que c'est ça, encore ? 

- Ah ça, c'est nouveau, une idée du management, vous allez voir. Cette carte, elle vous donne droit à des réductions dans nos magasins partenaires, sur les billets de trains et d'avions et sur les... euh... les assurances vies. 

- J'ai déjà une assurance vie...

- Oh parfait, parfait. Une bonne chose de faite, hein ? 

- Je ne suis pas sûr de comprendre. 

- Écoutez, monsieur, soyons franc, vous en connaissez beaucoup, vous, des enfants de la prophétie avec leurs deux parents ?

mercredi 2 février 2022

Une histoire de prophétie

 - Ouais, il a dit... Qu'est-ce qu'il a dit déjà ? 

L'homme se tourna vers son voisin de table, dont Morgane pouvait déjà deviner, à ses yeux embrumés, qu'il ne serait pas d'une très grande aide. 

- J'sais plus...

- Mais si... euh... il a dit... il a dit "quand l'ombre tombera sur le monde..."

- Nan, c'était pas ça. Pas ça du tout. C'était "quand l'homme tondra l'immonde"...

- "Quand l'homme..." ? répéta l'autre. Mais ça veut rien dire... 

- Ouais, ben, c'est qu'il a dit. J'le sais, j'étais là. 

- Mais, bourricot, j'étais là aussi, et il a clairement parlé d'une ombre. J'm'en souviens très bien. 

Morgane soupira et regarda ses notes, déjà un fatras illisible. Pourquoi les prophètes devaient-ils toujours avoir leurs illuminations dans les tavernes ? A croire qu'ils ne pensaient jamais au pauvre archiviste chargé de la collecte, obligé de se coltiner les témoignages incohérents des poivrots locaux. Et si on ne les archivait pas, à quoi pourraient-elles bien servir, leurs prophéties, hein ? 

- Bon, reprenez monsieur, s'il vous plait. Juste vous. Je vais vous écouter un par un, d'accord ? Essayez de ne pas vous interrompre. 

- Ouais, donc comme je vous disais, il a dit "quand l'ombre tombera sur le monde, Morgane mourra". 

- Pardon ? 

- C'est c'qu'il a dit. 

- Ah ouais, la fin, ouais, c'est bien ça, mais le début, pas du tout, intervint l'autre témoin. C'était pas du tout cette histoire d'ombre. C'était plutôt un truc du genre... euh, du genre... un truc à propos d'une tombe. Enfin, j'crois. Dites, vous avez vu, il commence à faire sombre, là quand même dehors, vous trouvez pas ?


mardi 1 février 2022

Une histoire de sang

 - C'est de la discrimination ! 

- Monsieur, calmez-vous... Ce sont nos règles, c'est pour la sécurité des transfusés. On ne peut pas accepter tous les dons...

- Ouais, c'est ça. C'est parce que je suis un vampire, hein ? Vous vous cachez derrière les lois et les règlements, mais c'est juste du créaturisme ! Ah, elle est belle la France ! 

- Monsieur, il faut que vous compreniez, on ne peut pas accepter... 

- Je suis un vampire inversé, moi, Monsieur ! Je ne bois pas le sang d'autrui ! Je le donne ! 

- Justement, Monsieur...

- Je viens donner du sang et voilà comment on me reçoit ! 

- Justement, le problème, c'est que ce n'est pas le vôtre, de sang...